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Publié le : 17/02/2011
L'Argentine des années 1980 avait ses « folles » de la place de Mai. Depuis la fin de la guerre civile, l'Algérie a les siennes. Ses femmes veulent que vérité soit faite sur les milliers de disparitions de la " sale guerre ".
Chaque mercredi, ou presque depuis les récentes interdictions de rassemblement, des mères, des femmes, des filles et des soeurs de disparus manifestent place Addis-Abeba à Alger. À la manière de leurs « cousines » qui demandaient des comptes à la dictature latino américaine, les Algériennes exigent que vérité soit faite sur les disparitions de la « sale guerre » et justice rendue. Que sont devenus les pères arrêtés sur leurs lieux de travail, les fils et les grand-pères, emmenés un soir au commissariat et qui ne sont jamais revenus ? Et si les maris sont morts au cours d’un accrochage, comme leur certifie l’administration, alors où sont leurs corps ? L’État reconnaît 8 000 disparitions, il y en aurait bien davantage. Mais quelque soit le nombre, il a décidé de tourner la page. Le dossier est clos. Il n’a d’ailleurs jamais été ouvert.
Dès son élection en 1999, Abdelaziz Bouteflika soumet son projet de loi de « concorde civile » à référendum. Il offre la liberté aux islamistes n’ayant commis ni massacres, ni viols ou attentats, et promet aux autres des réductions de peine en cas d’aveux. Les Algériens, qui ont soif de paix, placent leur espoir dans cette solution non militaire pour enrayer le terrorisme. Ils votent massivement oui à la « concorde civile » et approuvent encore, six ans plus tard, « la charte pour la paix et la réconciliation nationale ». La charte cette fois va plus loin : elle promet une amnistie quasi générale pour les islamistes et offre l’impunité aux services de sécurité, les plus fortement impliqués, selon les associations de familles des victimes, dans les milliers de disparitions. Elle ferme la porte aux enquêtes sur les meurtres, les massacres, les viols, les tortures, interdit les poursuites et les procès. Avec la justice, elle enterre la vérité, au grand dam des « folles d’Alger », qui refusent souvent l’indemnisation consentie ou, comble de l’ironie, ne peuvent l’obtenir faute de pouvoir fournir la preuve du décès.
« Prends l’argent et tais-toi », l’équation ne les satisfait pas. Elles veulent savoir, elles veulent des faits, des coupables, des lieux de sépulture et des jugements. La « sale guerre » doit livrer ses secrets, faire la lumière sur « qui a tué qui ». Elles sont les oubliées d’une réconciliation promise par la charte mais qui, sans leur soutien et la volonté d’un peuple qui refuse qu’on enterre son histoire, ne peut se réaliser pleinement. « La première victime d’une guerre c’est la vérité » a-t-on souvent coutume de dire après Kipling. Une façon de sous-entendre que la paix, après le temps des secrets et des mensonges, ne triomphe qu’en sonnant le retour de la vérité. Pas le retour de l’oubli. Mais un pouvoir si impliqué dans le conflit peut-il se mettre à nu, à moins de se condamner ?
Alors, pendant qu’il préconise et pratique l’amnésie pour continuer d’avancer, les « folles » d’Alger et du pays entier manifestent en risquant la prison. Motif ? Elles « ternissent l’image du pays ».
Brigitte MARTINEZ, le 17 février 2011
"Libération" du 08/01/1997. La guerre civile algérienne qui dura dix ans, de 1991 à 2001, opposa le gouvernement algérien à divers |
"Libération" du 14/06/1990. Le profond malaise de la société algérienne - pénuries alimentaires, chômage, pauvreté - et le rejet d'un pouvoir qui tire sur les manifestants (500 morts en octobre 1988), profite aux islamistes. Le FIS, le Front islamique du salut, remporte les élections locales de 1990 puis très largement le premier tour des législatives de décembre 1991. La formation d'un gouvernement islamique paraît alors inévitable.
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"Libération" du 13/01/1992. Le second tour des élections législatives n'aura pas lieu : l'armée interrompt le processus électoral. Elle démissionne le président en place et fait appel à Mohamed Boudiaf, chef historique du FLN en exil depuis 28 ans, pour diriger le pays. Il sera assassiné 6 mois plus tard. |
"Libération" du 15/02/1992. L'État déclare la guerre à l'islamisme : plusieurs milliers de militants et de sympathisants du FIS sont arrêtés, emprisonnés, exécutés, torturés, ou envoyés dans des camps au sud de l'Algérie. En réponse, différents groupes de guérilla islamiques vont émerger et lancer des attaques ciblant tout d'abord l'armée et la police. Mais les violences s'étendront rapidement à la population civile, victime de massacres et d'attentats aveugles.
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" Libération" du 24/06/1993. L'année 1993 marque le début d'un cycle d'assassinats d'intellectuels algériens : écrivains, universitaires, politiques, journalistes, enseignants, artistes, avocats, les "élites" sont des cibles de choix. Les ressortissants étrangers aussi, notamment les Français. Tous sont dans la ligne de mire d'un nouveau mouvement, le GIA (Groupe Islamique Armé) qui développera, parallèlement à l'assassinat et au massacre, d'autres moyens d'actions : vol, racket, sabotage.
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"Libération" du 04/03/1995. Guerre civile ou pas, la France ressort cette fois encore l'argument de "l'appel d'air" pour limiter l'entrée des Algériens à son territoire. Chaque jour en 1995, 2 500 demandes de visa seront déposées, 250 acceptées, contre 2 000 avant les violences. Une poignée de statuts de réfugiés politiques fut accordée, et 3 000 autorisations de séjour provisoire de 6 mois distribuées entre 94 et 98. |
"Libération" du 24/09/1997. En 1997 et 98 les massacres se multiplient en Algérie, décimant des populations villageoises par dizaines et quelquefois par centaines. Bentahla, situé à une trentaine de kilomètres d'Alger, devint le bourg symbole de ces hécatombes. Dans la nuit du 22 au 23 septembre 1997, 400 personnes y périssent en quelques heures, égorgées, mutilées, éventrées par une horde de tueurs très déterminés. Crime du GIA seul ou commis avec la complicité de l'armée algérienne… |
"Libération" du 23/10/1997. Tous les mystères qui entourent la guerre civile sont loin d'être levés, mais la connexion entre l'armée algérienne et les groupes islamistes armés paraît établie. D'anciens membres des services ont en effet confessé leurs secrets militaires par livres interposés. Infiltration et prise de contrôle de groupes armés ou crimes commis en son nom, la stratégie de l'état leur paraissait claire : il s'agissait de discréditer sur la scène internationale et intérieure l'opposition. |
"Libération" du 06/07/1999. Les rivalités entre les différentes factions des groupes armés islamiques tout au long de la guerre civile finirent par affaiblir le GIA et certains groupes armés déclarèrent le cessez-le-feu. À partir de 1998 la violence cesse dans les villes, mais pas dans les zones rurales. L'élection d'Abdelaziz Bouteflika à la présidence de la république en 1999, conduit à une loi d'amnistie en faveur des islamistes, approuvée par référendum. Les violences diminuent fortement. |