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Liberté d'expression et exercice des droits
Position 14 Effectivité des droits

Tout jeune doit pouvoir bénéficier d’un accès effectif à ses droits (de l’accès aux procédures administratives à l’accès à la justice, en passant par le respect d’une véritable mise à l’abri), condition fondamentale pour assurer un niveau de protection élevé des intérêts légitimes des enfants.

Articles de la CIDE

  • Article 12 de la CIDE

    1. Les Etats parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité.

    2. A cette fin, on donnera notamment à l’enfant la possibilité d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un représentant ou d’une organisation approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation nationale.

  • Article 13 de la CIDE

    1. L’enfant a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen du choix de l’enfant.

Contexte

La loi du 14 mars 2016 prévoit la mise en place, par le Conseil départemental, d’un accueil provisoire d’urgence d’une durée de cinq jours de toute personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille. Pendant ces cinq jours, ce dernier doit évaluer la situation de cette personne, notamment à travers la mise en place d’entretiens menés par des professionnels formés et expérimentés permettant l’évaluation de la minorité et de l’isolement.

Depuis plusieurs années, le constat est fait sur plusieurs territoires de l’absence d’entretiens d’évaluation ou la réalisation d’entretiens succincts ne respectant pas la trame nationale. Certains jeunes primo-arrivants se voient refuser l’accès à l’entretien d’évaluation, sont déclarés majeurs dès leur présentation et ne bénéficient d’aucune mise à l’abri. Dans d’autres départements, un premier entretien, très succinct, précède l’entretien d’évaluation, conduisant également à des refus de prise en charge.

Lorsque le Conseil départemental, à l’issue de l’évaluation sociale, ne saisit pas l’autorité judiciaire et donc ne reconnait pas la minorité et l’isolement du jeune, il doit lui remettre une décision de refus de prise en charge. Le jeune bénéficie alors de la possibilité de saisir le juge des enfants, pour être protégé. Les mineurs isolés étrangers n’ont pas tous accès à cette information, leur permettant d’exercer leurs droits. Lorsqu’ils parviennent à saisir le juge des enfants, le recours n’est pas suspensif. Le jeune obtient le plus souvent une audience auprès du juge qu’après plusieurs mois, période pendant laquelle il ne bénéficie d’aucun hébergement.

Pour aller plus loin

Dès les premiers pas du jeune sur le territoire français, l’immédiateté de sa mise à l’abri doit être assurée. La pratique des « refus-guichet » va à l’encontre de ce droit à une protection immédiate. Le Défenseur des droits a vivement dénoncé cette pratique qui serait plus fréquente en période de particulière affluence de jeunes demandant la reconnaissance de leur minorité . Il est impératif que les institutions ne considèrent pas les mineurs comme « un flux migratoire à juguler », et qu’elles se conforment à la réglementation française et internationale en bannissant des refus qui ne se fonderaient que sur l’apparence physique de la personne, ainsi qu’en notifiant des décisions motivées et individualisées de refus de prise en charge . Cette exigence d’un raisonnement juridique, par des décisions suffisamment « justifiée[s] et expliquée[s] », a été rappelée par le Comité des droits de l’enfant . Ce dernier a par ailleurs expressément refusé la pratique des évaluations qui « se fonder[aient] uniquement sur l’apparence physique des enfants ».

De plus, compte tenu des enjeux que représente la procédure d’évaluation, porte d’entrée du dispositif de protection de l’enfance, les méthodes d’entretien doivent assurer un recueil de données suffisamment transparent, fiable et objectif, permettant ainsi d’établir, ou non, une correspondance avec l’âge allégué. La durée de l’entretien constitue un point de vigilance important : des évaluations expéditives ne favorisent pas une relation de confiance engagée entre l’évaluateur et le mineur, dont le parcours migratoire a été source d’anxiété, ni ne permettent d’appréhender toute la complexité du parcours et de l’identité de l’évalué.

Par ailleurs, la célérité de la justice est une condition de l’effectivité du droit d’accès à un tribunal, qu’il convient d’autant plus de respecter que le juge des enfants est saisi d’une situation de danger à laquelle il doit remédier d’urgence . A l’heure actuelle, les délais de décision, allongés par la pratique quasi-systématique de recours de certains départements contre les décisions judiciaires , ne répondent pas au caractère urgent du danger : le délai moyen de traitement d’une requête en matière d’assistance éducative, au niveau national, était de quatre mois au début de l’année 2018 . Dans sa décision du 21 juillet 2016, le Défenseur des droits s’est dit « très préoccupé des délais d’audiencement auxquels doivent faire face tant les jeunes ayant directement saisi un juge de leur situation après avoir reçu une décision de refus administratif d’admission au bénéfice de la protection de l’enfance, que des jeunes accueillis temporairement par les services de l’ASE » sollicitant une prise en charge pérenne . Les jeunes évalués majeurs, qui contestent cette évaluation (dits « mijeurs »), peuvent donc passer plusieurs mois à la rue dans l’attente d’une décision de justice définitive, privés des services réservés aux adultes, alors-même que l’article L.345-2-2 du CASF pose le principe de l’inconditionnalité de l’accueil, indépendamment du statut migratoire ou administratif.
Face aux lourdes conséquences de ces délais, qui retardent voire empêchent une éventuelle prise en charge par l’ASE (et donc affectent la régularisation des enfants une fois l’âge adulte atteint), il est primordial que ces situations constituent une priorité pour les magistrats, certains ne fixant qu’une seule journée d’audiences par trimestre dédiée à ce public pourtant vulnérable , entraînant alors une rupture d’égalité. Il est tout aussi impératif d’envisager un maintien de la mise à l’abri de ces « mijeurs » durant l’examen de leur recours, comme l’a recommandé la mission bipartite de réflexion sur les MNA.