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L’Europe devra se poser la question tôt ou tard...

La création d’un statut européen de réfugié climatique n’est pas pour demain

Après l’échec de Copenhague, après la faible visibilité de l’Europe à Haïti et au lendemain de la catastrophe du Chili, l’Europe devra reconnaître qu’un statut de « réfugié climatique » est incontournable.

 

Si le facteur environnemental n’est pas le seul explicatif des migrations humaines, il est de loin le plus ancien et mérite une attention renouvelée. Selon une publication récente de l’Université des Nations unies et de l’Institut de la sécurité environnementale et humaine (UNU-EHS), Control, Adapt or Flee, How to Face Environmental Migration ? , la protection internationale actuelle des migrants ne prend pas suffisamment en compte l’imbrication de plusieurs facteurs des migrations : le facteur économique (volonté de quitter une région dégradée, de trouver un emploi, etc.), le facteur social (recherche d’un meilleur système éducatif et de sécurité sociale, etc.), le facteur environnemental (fuite d’une région sinistrée (inondations, cyclones, tremblements de terre, pluies acides, sols appauvris, etc.) et le facteur politique (insécurité, persécution des minorités, violations des droits de l’homme, conflits armés, etc.). Pour toutes ces raisons, un individu peut être amené à vouloir quitter sa région vers une terre meilleure.

Le statut de réfugié dans le droit international

Le droit international actuel ne protège qu’un seul de ces facteurs de migration couverts par le statut de réfugié tel que défini par la Convention sur les réfugiés de 1951. En effet, selon l’article 1A de cette Convention, doit être considérée comme réfugiée « toute personne qui craint de manière fondée d’être persécutée pour sa race, sa religion, sa nationalité, son appartenance à un groupe social ou à une certaine opinion politique et qui réside en dehors de son pays de nationalité et ne peut, ou en raison de cette crainte ne veut être protégé par ce pays, et ne peut ou ne veut y retourner ». Cette définition stricte n’intègre aucune dimension environnementale, qui est pourtant amenée à prendre une ampleur considérable au vu des dérèglements climatiques à venir.

L’actualité législative européenne est dense en matière d’asile et d’immigration (nouvelle directive sur les conditions de réception des demandeurs d’asile, création d’un bureau européen sur l’asile, communication en cours sur le plan pour les immigrants mineurs non accompagnés, future directive sur le permis unique, sur l’entrée des immigrants saisonniers, etc.). A l’heure du lancement du programme de Stockholm, le moment est venu pour l’UE de combler les lacunes du droit international sur son territoire. En se dotant d’un Commissaire à l’Action climatique, l’Europe confirme que le climat est l’une de ses priorités politiques.
 
La direction bicéphale de la politique migratoire européenne (deux commissaires en sont responsables : Cecilia Malström pour le volet Asile et Immigration et Viviane Reding pour le volet Droits Fondamentaux et Citoyenneté) est également révélateur de l’importance donnée à cette politique. On imagine mal, dès lors, qu’elle puisse faire l’impasse sur la question des réfugiés climatiques.

La mobilisation de l’UE face aux catastrophes naturelles

Toutefois, l’UE ne fait pas l’impasse sur l’aide à court et à long terme aux victimes des dérèglements et phénomènes climatiques. Elle est notamment active en matière de prévention des catastrophes naturelles et des changements climatiques à travers l’Office d’Aide Humanitaire de la Commission européenne (ECHO) qui a mis en place de nombreux programmes de prévention à travers le monde.
L’office de Quito a par exemple développé un programme de prévention des catastrophes causées par le phénomène climatique El Niño, dévastateur pour l’agriculture des pays d’Amérique latine. Ce programme a récemment permis à la zone du « Couloir de la sécheresse » du Guatemala, qui longe le Honduras et le Salvador, de bénéficier d’une aide de 1,3 millions d’euros allouée par ECHO afin d’aider les populations les plus touchées par la sécheresse.


Autre exemple récent : le 1er février 2010, ECHO a acheminé et géré 7,3 millions d’euros pour rendre les pays d’Asie centrale moins vulnérables face aux catastrophes naturelles et les aider à renforcer les capacités de réaction des populations touchées.
Par ailleurs, l’importante mobilisation des fonds européens et des Etats membres pour venir en aide à court et long terme aux victimes du séisme d’Haïti (près d’un demi milliard d’euros de prévu selon les annonces de la présidence espagnole) illustre également la réactivité de l’UE en la matière.
 
Alors qu’elle est bien préparée en matière de prévention et de mobilisation de l’aide sur place, l’UE paraît néanmoins désarmée lorsque les victimes des dérèglements climatiques viennent frapper à sa porte, sur son propre territoire.

Le silence du Programme de Stockholm sur le statut européen de réfugié climatique

Le programme de Stockholm semble bien ambitieux dans de nombreux domaines tels que les droits de l’enfant, la lutte contre la traite des êtres humains, la cybercriminalité, la lutte contre la criminalité organisée, la pédopornographie, etc., or, il reste muet sur la question des réfugiés climatiques. Ce programme va pourtant encadrer l’action de la Commission en la matière pour ces 5 prochaines années. Il fait, certes, maintes fois référence à l’asile mais à l’asile tel que défini par le droit international, quelles qu’en soient les limites, et ne se risque pas à proposer une définition plus ambitieuse et plus proche de la réalité. Il prévoit ainsi : « L’élaboration d’une politique commune en matière d’asile devrait être fondée sur l’application intégrale et globale de la convention de Genève relative au statut des réfugiés ainsi que des autres traités internationaux pertinents ».


La seule ouverture que contient ce programme sur la problématique des réfugiés climatiques est l’invitation du Conseil européen à ce que la Commission produise une analyse sur « les effets du changement climatique sur les migrations internationales, y compris les effets qu’il pourrait avoir sur l’immigration dans l’Union européenne », ce qui devrait au moins permettre de mesurer l’ampleur du phénomène et des liens qui existent entre les migrations et le climat. A défaut de législation visant à pallier les lacunes du droit international, cette analyse aura le mérite de nourrir la réflexion sur le sujet...

Par Emmeline ALLIOUX

eurosduvillage.eu, le 01/03/2010