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Au cours de l’été, l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) a annoncé que la carte de retrait sur laquelle est versée l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA) deviendrait une carte de paiement à compter de septembre 2019. Rappelons que cette allocation, que l’on peut qualifier de subsistance, est versée aux demandeurs d’asile, du fait notamment de l’interdiction qu’ils ont de travailler en France depuis 1991.
Le Centre d’action sociale protestant (CASP), COALLIA, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), Forum réfugiés-Cosi et France terre d’asile ont interpellé le ministère de l’Intérieur le 1er août par un courrier exprimant de nombreux sujets d’inquiétude sur l’impact d’une telle décision prise sans concertation, à la fois pour les demandeurs d’asile, les gestionnaires de dispositifs d’accueil et les acteurs de la veille sociale et du dispositif d’hébergement d’urgence généraliste.
Le 12 août, l’OFII a annoncé le report de cette mesure au 5 novembre « afin de donner un délai supplémentaire aux opérateurs (…) pour qu'ils puissent équiper toutes leurs structures en terminaux de paiement », lesquels sont indispensables pour le paiement des cautions, la participation aux frais de prise en charge ou le remboursement des avances effectuées par les structures avant ouverture des droits à l’ADA.
Nos associations saluent la prise en compte des enjeux logistiques qui rendaient impossible une mise en œuvre de la mesure dès la rentrée. Nous demandons cependant la poursuite d’une concertation permettant d’envisager des mesures alternatives à cette décision qui nous semble précipitée et disproportionnée. Les avantages envisagés sont en effet incertains, tandis que les impacts négatifs sont largement identifiés et prévisibles.
Cette mesure va à l’encontre de la nécessité de liquidité pour les actes de la vie quotidienne compliquant ainsi la vie des demandeurs d’asile : achats au marché, boulangerie, paiement de titres de transport à l’unité, laverie, sommes symboliques demandées par certains hébergements d’urgence ou associations caritatives assurant des distributions alimentaires, etc. L’impossibilité qu’ils auraient demain d’avoir la moindre somme en argent liquide alors que leur vie est déjà d’une grande précarité, pose question et chacun peut le comprendre. Cette décision aura pour conséquence d’orienter les demandeurs vers certaines enseignes, au détriment des commerces de proximité. La possibilité de disposer de liquide à travers les dispositifs de cash back, exprimée par l’OFII en réponse aux critiques, demeure très limitée sur l’ensemble du territoire et peut s’accompagner de frais et commissions. Les demandeurs d’asile verront donc leurs conditions d’accueil dégradées, tout particulièrement dans leur vie quotidienne et l’accès aux besoins de première nécessité (alimentation, hébergement).
La motivation principale de cette mesure gouvernementale semble d’ordre budgétaire, les frais liés aux opérations de retrait pesant actuellement sur le budget de l’OFII. Nos associations regrettent qu’aucun élément chiffré n’ait été rendu public à ce sujet. La mesure entraînera par ailleurs des coûts nouveaux pour les gestionnaires de lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile, qui doivent être intégrés à la réflexion budgétaire. En outre, les économies réalisées ne constitueraient qu’un ajustement marginal au regard de l’enjeu majeur du budget de l’ADA : son manque de sincérité budgétaire constaté à regret tous les ans par le Parlement dans le débat de la loi de finances.
Les parlementaires ont en effet adopté un budget 2019, qui prévoyait 336 millions de dépenses pour l’ADA, alors que celle-ci est estimée à plus de 500 millions d’euros. Ce budget pour 2019 fondé sur une hypothèse de stabilisation de la demande d’asile, était alors jugée peu réaliste par les acteurs du droit d’asile. La sous-budgétisation de l’ADA est récurrente : en 2018, la loi de finances prévoyait 317 millions d’euros pour une dépense réelle de 424 millions d’euros. C’est bien cet aspect de nos politiques publiques qui doit être questionné lors des débats à venir sur le projet de loi de finances pour 2020.
Dans ce contexte, il n’y a pas urgence à vouloir « dématérialiser » la carte ADA au risque de réduire les libertés publiques des personnes en demande d’asile. Le renouvellement du marché public conclu par l’OFII pour cette prestation bancaire, celui en vigueur prenant fin en aout 2020, constitue une opportunité intéressante pour la recherche d’économies budgétaires tout en maintenant une possibilité de retirer des espèces. Il paraît indispensable par ailleurs de mesurer l’ensemble des impacts d’une telle volonté de modernisation, s’il s’agit réellement d’un acte de modernité, pour l’ensemble des acteurs concernés, et particulièrement pour les personnes en demande d’asile, avant tout changement des modalités de fonctionnement de la carte ADA.
Au regard des enjeux évoqués, nous demandons donc le retrait de cette réforme.
Pour nos associations, l’ensemble de ces aspects doit être précisé à travers un échange portant sur l’intérêt de cette mesure, l’ensemble de leurs conséquences et sur les autres solutions permettant de répondre aux préoccupations légitimes de chacun. C’est en ce sens que nous allons solliciter une rencontre avec le cabinet du ministre de l’Intérieur.