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3ème Plan national d’action contre la traite des êtres humains : une mise en œuvre attendue

Publié le : 05/02/2024

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© Ministère chargé de l’Egalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations.

Cet article est issu de la Lettre de l'asile et de l'intégration, newsletter bimestrielle de France terre d'asile qui propose un éclairage sur des problématiques liées à l'asile et l’intégration en France. Inscrivez-vous pour la recevoir !

Le 11 décembre dernier, le Gouvernement présentait un nouveau plan national de lutte contre la traite des êtres humains. L’objectif du Gouvernement est de parvenir à freiner ce phénomène regroupant plusieurs formes d’exploitation. Retour sur les mesures principales de ce troisième plan d’action.

L’ampleur de la traite des êtres humains en France est difficile à évaluer puisque beaucoup de victimes ne déposent jamais plainte et leur identification reste un défi majeur pour combattre ce phénomène. En 2022, près de 3000 signalements, dont 67% déposés par des femmes (qui représentent 97% des victimes de proxénétisme) ont été enregistrés par les forces de l’ordre selon le ministère de la Justice.

Afin d’y faire face, le Gouvernement a mis en place plusieurs plans nationaux d’action pour tenter de freiner la traite. En France, c’est la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof) qui a pour mission de coordonner une stratégie de lutte contre toutes les formes d’exploitations. En 2014, la Miprof a publié le premier Plan d'action national  afin de lutter contre la traite des êtres humains pour une période de deux ans, puis un deuxième a été mis en place de 2019 à 2022. Le troisième a été publié en décembre et couvre la période 2024-2027.

Afin de veiller à l’amélioration des actions prévues par les plans d’actions, la CNCDH s’est vue confier le mandat de rapporteur national sur la lutte contre la traite et l’exploitation des êtres humains. Ainsi, elle est chargée d’évaluer la mise en œuvre de ces actions et de formuler des recommandations pour la rédaction des plans d’actions suivants. En janvier 2023, la CNCDH publiait son évaluation du deuxième plan d’action et soulignait le décalage entre les mesures promises et leur mise en œuvre : sur 45 mesures, seulement trois ont été réalisées, 28 partiellement, et 14 n’ont jamais été mises en place. De plus, la CNCDH insistait sur la nécessité d’impliquer la société civile dans la conception d’une politique de lutte contre la traite, ainsi qu’à financer de manière conséquente les associations qui œuvrent au quotidien auprès des victimes. Ces demandes sont également émises par les collectifs et acteurs de la société civile depuis 2014. Prenant compte de ces propositions, le Gouvernement a concerté quelques 30 associations et fondations, partenaires sociaux et institutionnels, ainsi que la CNCDH afin de rédiger le nouveau plan d’action.

 

Des objectifs encourageants, un passage à la vitesse supérieure nécessaire

Ce troisième plan d’action a deux objectifs principaux. D’un côté, il a vocation à mieux protéger les citoyens, mineurs et majeurs, français ou étrangers, contre les différentes formes de traite et d’exploitation. De l’autre, il vise à renforcer l’efficacité de la politique pénale française pour démanteler et condamner les réseaux criminels, notamment transnationaux. Il se divise en six axes, s’articulant principalement autour de la sensibilisation de la société et des professionnels et de la lutte contre toute forme d’exploitation. Par ailleurs, deux mesures principales visent à assurer la protection et l’accompagnement des victimes.

Premièrement, les Jeux Olympiques (JO) de 2024 sont identifiés comme présentant un risque accru d’exploitation et l’un des objectifs principaux du plan est de « mettre en place un dispositif spécifique » en perspective des JO. Cependant, le PNA ne détaille pas les mesures concrètes pour parvenir à cet objectif. Lors de la présentation du Plan d’action, l’association spécialisée Mist a dénoncé dans un discours la multiplication des contrôles de police et le placement en rétention administrative de femmes victimes de traite potentielles ou avérées.

La deuxième mesure-phare de cette stratégie 2024-2027 est la construction du mécanisme national d’identification et de protection des victimes (MNIOP), afin d’assurer une coopération entre les différents acteurs, au niveau national et transnational. Il comporte deux niveaux : d’une part, le repérage des victimes présumées et le partage des indices entre les acteurs de première ligne (police, gendarmerie, travailleurs sociaux, associations, éducateurs, médiateurs etc.). D’autre part, si les indices sont suffisants, le déclenchement d’un dispositif de mise à l’abri et d’accompagnement pluridisciplinaire (médical, social, administratif et juridique) autour de la victime afin de créer une « bulle de confiance » nécessaire à sa protection et reconstruction.

Les acteurs de terrain insistent depuis plusieurs années sur le besoin urgent de ce type de mécanisme. De plus, la France est l’un des derniers pays de l’Union européenne n’ayant pas encore de mécanisme de référence pour les demandeurs et demandeuses d’asile victimes de traite. Déjà en 2018, la CNCDH rappelait au Gouvernement la nécessité d’un dispositif de référence afin d’avoir une politique à la hauteur des enjeux. En 2020, elle publiait même une liste de 24 recommandations pour le mettre en place et garantir le respect des droits fondamentaux des personnes victimes. Si l’intégration d’une telle mesure dans le nouveau PNA constitue un développement encourageant, il ne sera pas déployé tout de suite, le Gouvernement ayant indiqué qu’il ferait d’abord l'objet d'une étude de faisabilité début 2024.

Ce troisième plan d’action, qui prend en compte des recommandations de la CNCDH et a été construit en concertation avec les associations de terrain se veut ambitieux. Sa mise en œuvre et le calendrier de cette dernière sera scrutée d’autant plus près.